Quelques années après sa mort, Rembrandt (1606-1669) fut accusé par l'avocat et dramaturge néerlandais Andries Pels d'avoir été « le premier hérétique de l'art de peinture ». Pels met notamment en cause la manière insuffisamment idéalisée dont le peintre a représenté les corps féminins, mais aussi le mépris que Rembrandt affichait, selon lui, à l'égard des modèles antiques et des grands maîtres de la peinture européenne. Cette attaque, d'une rare violence - au XVIIe siècle, l'hérésie pouvait encore conduire à l'excommunication, à l'exil ou à la prison -, a souvent été attribuée aux goûts conservateurs de Pels et à son attachement au modèle du théâtre classique français.
À rebours de cette approche, cette monographie propose de prendre au sérieux les propos de Pels, en les rapportant aux choix de Rembrandt, qui, durant sa vie et sa carrière, n'a jamais cessé d'affirmer sa singularité vis-à-vis de ses maîtres et de ses contemporains. Cette singularité biographique et artistique est envisagée dans le livre à travers la notion d'originalité qui, depuis l'Antiquité, est l'un des enjeux centraux de la critique poétique, rhétorique et artistique.
La monographie permet ainsi de comprendre comment, en se présentant comme un peintre et un graveur original, qui fait valoir la primauté de ses choix artistiques, l'authenticité de ses œuvres et le caractère inimitable - et donc sans cesse imité - de sa manière, Rembrandt a jeté les bases d'une nouvelle conception de la peinture, où la critique des règles de l'art et les enjeux associés à la visibilité du génie se heurtent de façon volontairement polémique aux principes de l'imitation.